COMMENT JOHN FORD DEMYSTIFIA L’AMERIQUE EN 120 MIN

On fête le cinéma sur So Blink !

La fine équipe est heureuse de vous présenter un article de Clément Lemoine, aficionado du grand cinéma américain, qui nous proposera ses coups de coeur sur le ciné d’hier et d’aujourd’hui. Encouragez-le, aimez-le !

On commence par un classique du western, « L’homme qui tua Liberty Valance » ( The Man who shoot Liberty Valance ) de John Ford, 1962, avec John Wayne, James Stewart, Lee Marvin, Vera Miles et Edmond O’Brien. Western. Editeur : Paramount Picture.

A l’heure où les Etats-Unis font un come-back spectaculaire, repoussons un peu plus les nouvelles frontières afin de découvrir comment l’Amérique a construit son histoire sur des mythes éminemment cinématographiques. Six ans après son monumental « La prisonnière du désert », John Ford mit en scène l’une des réflexions les plus brillantes sur l’histoire américaine qu’un western ait jamais développé: « L’homme qui tua Liberty Valance ».

« L’homme qui tua Liberty Valance » original trailer :

http://youtu.be/CA2JgS6zycQ
Sorti en 1962, « L’homme qui tua Liberty Valance » réunissait pour la première fois à l’écran John Wayne et James Stewart. Histoire basée sur un mensonge qui deviendra une vérité, le film narre le récit de jeunesse du sénateur Stoddart (Jimmy Stewart impeccable.) alors avocat, à Shinbone, petite ville anachronique, et presque irréelle, du Colorado. Liberty Valance ( énorme Lee Marvin.) y fait régner la terreur, sous l’indulgence de Tom Doniphon ( John Wayne presque touchant.), un cowboy qui préfère la loi du talion à celle du code pénal .

Lors d’un duel mythique, Liberty Valance est tué par Stoddart, mais ce n’est pas celui qu’on croit qui a tiré. Flash-back dans le flash-back : Doniphon révèlera plus tard que c’est lui qui fit feux, tapis dans l’ombre d’une ruelle, et qui tua Valance. Il laisse alors Stoddart revêtir le costume du justicier, et de facto, celui de délégué au Congrès. Ou comment le mythe devient réalité.

So « mental »

En partant de ce postulat, John Ford éclate tout ce qui faisait sa réputation depuis « La chevauchée fantastique ». Il fut célébré en son temps pour sa capacité à filmer les grands espaces américains, pour sa volonté de dynamiter les canons idéologiques du western, mais surtout pour ses incessantes métaphores d’un pays dont l’identité est basée sur les massacres fondateurs. Avec « L’homme qui tua Liberty Valance », il opère un changement radical dans sa mise en scène, ainsi que dans les thématiques abordées.

Plus question d’interroger l’Histoire de ses origines colonialistes à ses ruptures guerrières, mais bien de comprendre les images « inconscientes » d’un pays et de montrer l’évolution des consciences politiques ainsi que les choix idéologiques qui leur ont succédé. En élaborant une mise en scène purement symbolique et codée, John Ford n’a qu’un seul but : intégrer le mythe à la réalité.

James Stewart qui arrive dans Shinbone, ce n’est que la confrontation de l’homme moderne à son histoire fantasmée dans une Amérique des origines mystifiée par le cinéma.

So ironique

« L’homme qui tua Liberty Valance » est peut-être le western le plus emblématique de John Ford, car il dresse un constat plutôt pessimiste de la légende de l’Ouest. Stoddart n’a pas tué Liberty Valence. Doniphon n’est pas réhabilité. Le méchant est tué, et le « politiquement correct » perdure. C’est bien là le tour de force du film.

Jeter aux yeux de tous une vérité fabriquée, et en même temps, transformer cette imposture en légende. « Entre la réalité et la légende, imprimez la légende ! » ironisait John Ford. Dommage que les Etats-Unis ait adopté cette maxime à la lettre, sans questionner le désenchantement qui l’animait.

3 bonnes raisons de (re)voir « L’homme qui tua Liberty Valance » :
– C’est l’avant dernier western de John Ford.

– Le duel entre Jimmy Stewart et Lee Marvin.

– Le « Duke » y est particulièrement cool.


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